jeudi 25 avril 2024
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Un Grand Prix de Monaco
sous bulle sanitaire

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Alors que la tenue du prochain Grand Prix de Monaco ne semble plus guère faire de doute, les conditions de son organisation demeurent toujours incertaines.

Du côté du circuit et des paddocks en revanche, un protocole sanitaire strict a été établi par la Fédération internationale de l’automobile (FIA) pour encadrer chaque Grand Prix. Bruno Famin, directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid de la FIA, le détaille à Monaco Hebdo

Se déroulera-t-il à huis clos ou avec une jauge de spectateurs ? Et si cette dernière option est retenue, combien de personnes pourront y assister ? À l’heure où Monaco Hebdo bouclait ce numéro, mardi 13 avril 2021, plusieurs scénarios se trouvaient toujours sur la table des autorités locales sans qu’aucune décision définitive n’ait été actée. Il faut dire qu’à un peu plus d’un mois de l’évènement, difficile de s’imaginer quelles seront les conditions sanitaires du moment tant la situation ne cesse d’évoluer. Toutefois, une chose ne semble plus guère faire de doute aujourd’hui : sauf cas de force majeure, le Grand Prix de Formule 1 (F1) aura bien lieu cette année.

« Ce protocole a permis à la Formule 1 d’être la première compétition sportive internationale à reprendre », se félicite la FIA

La F1 de retour à Monaco

Après l’annulation de l’édition 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, la F1 fera son retour en principauté du 20 au 23 mai 2021. En tout cas, que ce soit les autorités locales, l’Automobile club de Monaco (ACM), organisateur local de l’événement, la FIA ou encore la Formula One Management (FOM), promoteur de la F1, tout le monde y travaille sérieusement. Et si la plupart des décisions sont prises en concertation entre tous ces acteurs, chaque entité dispose de son propre champ d’action et de ses propres responsabilités. En temps de Covid-19, celui de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) consiste notamment à élaborer un protocole sanitaire strict pour tous les Grands Prix afin de protéger les pilotes, écuries et autres commissaires de course de toute contamination. En vigueur depuis la reprise de la F1 en juillet 2020, cette réglementation semble d’ailleurs porter ses fruits puisqu’à ce jour, la plupart des Grands Prix a pu se dérouler comme prévu. Et ce, en dépit de quelques rares cas positifs dans le paddock. Bruno Famin, directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid à la FIA, la détaille pour Monaco Hebdo.

Bruno Famin, directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid de la FIA © Photo Antonin Vincent / DPPI

« En F1, nous avons un système de pass et de tourniquets qui nous permet de contrôler l’ensemble des personnes qui rentrent dans les différentes zones et de vérifier qu’elles sont convenablement testées » Bruno Famin. Directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid de la FIA

Un protocole élaboré avec des spécialistes

Pour pouvoir définir ce protocole anti-Covid, désormais inscrit « au code sportif international pour la F1 et pour l’ensemble des catégories et des disciplines au calendrier FIA », l’organisation présidée par Jean Todt s’est entourée d’un pool d’experts médicaux comme le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière ou encore le docteur Gérard Saillant, ancien président de la commission médicale de la FIA. Elle a également suivi scrupuleusement les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et établit un partenariat spécifique avec la Croix-Rouge internationale. « Ce protocole a permis à la Formule 1 d’être la première compétition sportive internationale à reprendre », se félicite-t-on à la FIA. Dix-sept Grands Prix ont en effet eu lieu en 2020, soit les trois quarts des courses initialement prévues au calendrier. « Il y a eu au cours de la saison trois cas de pilotes positifs, dont Lewis Hamilton en fin d’année qui a raté un Grand Prix [celui de Sakhir en décembre 2020 — NDLR]. Mais cela ne l’a pas empêché d’être champion du monde pour la septième fois. Notre protocole a parfaitement fonctionné », se réjouit la FIA.

Dépistage massif

Concrètement, le protocole s’articule autour de plusieurs mesures phares. La première d’entre elles est la mise en place d’un système de tests massifs. Les personnes présentes sur un Grand Prix peuvent en effet subir jusqu’à quatre tests PCR nasopharyngés pour une semaine de course. « Tout le monde doit être pré-testé dans les 4 jours précédant l’arrivée sur le circuit. Ceux qui sont testés positifs ou qui ont des symptômes ne peuvent pas se rendre sur le paddock car des contrôles de température sont réalisés à l’entrée », explique Bruno Famin. Vingt-quatre heures plus tard, une nouvelle vague de tests est réalisée. « Cela nous permet à la fois de garantir à 100 % que les personnes sont testées parce que la confiance n’exclut pas le contrôle, justifie le responsable du protocole anti-Covid. Nous avons un fournisseur de tests comme ça nous avons tout le monde dans notre base de données et on sait gérer tout le monde de manière extrêmement précise ». Enfin, tous les membres d’écuries et le personnel présents sur site doivent se soumettre à au moins un test tous les cinq jours. À ces différents tests s’ajoutent aussi ceux des pays et compagnies aériennes qui réclament, pour certains, des certificats de test à leurs visiteurs. « Nous avons donc un filtre avant, un contrôle le jour de l’arrivée, éventuellement un test au milieu et un test en sortie », résume Bruno Famin. Plusieurs milliers de tests sont ainsi effectués au cours de chaque Grand Prix.

Un testing optimisé

Pour pouvoir assurer ce dépistage massif, la FIA installe à chaque course des emplacements spécifiques pour la réalisation des prélèvements. Si toutes les écuries disposent de leur propre espace afin d’avoir plus de flexibilité dans leur planning, différents stands de tests sont mis à disposition des autres personnels présents sur place (FOM, FIA, Pirelli…). Les résultats, eux, sont connus en moins de 24 heures, ce qui permet d’isoler très rapidement les cas positifs. « On met en place des plages horaires. On arrête par exemple les tests en milieu d’après-midi de manière à être sûr de disposer de l’ensemble des résultats à 6 heures le lendemain matin. On peut ainsi bloquer les personnes positives dans leur chambre d’hôtel avant qu’elles n’arrivent sur le circuit », explique Bruno Famin. « Ce système est beaucoup plus sûr et plus simple à gérer. Car quand il faut récupérer un cas positif qui déambule au milieu du paddock, c’est beaucoup plus compliqué ». Les personnes testées positives ne peuvent ensuite revenir sur site qu’après avoir observé une période de quarantaine et présenté un test PCR négatif, précise la FIA.

Une communication bien rodée

La communication autour des résultats est également parfaitement maîtrisée par la fédération : « Nous avons un protocole de communication qui est très bien établi et respecté. Nous publions des communiqués de presse très brefs mais très réguliers dans lesquels nous déclarons le nombre de cas positifs sans donner de noms ». Et quand il s’agit d’un pilote ? « À ce moment-là, on fait une communication conjointe FOM-FIA, puis le team [l’écurie — NDLR]. On s’organise et on se synchronise de manière à ce que nos communications soient coordonnées ». L’objectif étant d’éviter un « effet Melbourne ». En mars 2020, le Grand Prix d’Australie avait été annulé à la dernière minute après la détection d’un cas de Covid chez McLaren, qui avait contraint l’écurie britannique à se retirer. S’en était suivi un imbroglio sur le maintien ou non de la course. « À Melbourne, tout le monde découvrait ce qu’était l’épidémie. Et la méconnaissance engendre la peur et la crainte. On sait que c’est impossible d’empêcher tous les cas mais on veut être capable de les gérer. Nous avons donc établi un protocole de communication ». Celui-ci se matérialise par une déclaration hebdomadaire indiquant le nombre de tests réalisés et le nombre de cas positifs détectés. À Bahreïn, lors du premier Grand Prix de la saison en mars 2021, seulement douze cas positifs avaient été recensés sur les 8 150 tests effectués durant la semaine de course. « Nous avons toujours été dans ces eaux-là, une dizaine de cas environ », confie Bruno Famin. Avant de préciser : « Pour le GP de Bahreïn, un tiers des personnes (positives) avaient des pass permanents. Les deux tiers restants étaient des locaux, c’est-à-dire des commissaires, des gens de l’organisation directement liés au circuit ou à la fédération locale ».

« Le calendrier, c’est la FOM qui le fait. L’optique, c’est clairement de faire les 23 dates et les 23 événements. C’est une ambition de déploiement, ce n’est pas du tout une stratégie de dire : « on en prévoit 23 en espérant en faire 17 » » Bruno Famin. Directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid de la FIA

Bulles sanitaires

Outre le dépistage massif, le protocole sanitaire élaboré par la FIA repose également sur un système de bulles et de sous-bulles. Ou plutôt de groupes et de sous-groupes comme préfère l’appeler Bruno Famin. « L’un des principes fondateurs de notre réglementation consiste à bien séparer différentes zones. On a le circuit en lui-même qui est dans une zone dite à faible densité mais surtout, à l’intérieur (du circuit) on a des zones dites à haute densité. Globalement, il s’agit des paddocks et de la direction de course, où il y a vraiment beaucoup de personnes au mètre carré », décrit le responsable du protocole. Les accès à ces zones dites « à haute densité » sont donc limités et soumis à un contrôle strict. « En F1, nous disposons d’un système de pass et de tourniquets qui nous permet de contrôler l’ensemble des personnes qui rentrent dans ces zones et de vérifier qu’elles sont convenablement pré-testées et par la suite, testées régulièrement tous les cinq jours maximum ». Les chemins d’accès à ces différentes zones sont également définis de telle sorte à éviter au maximum les croisements de personnes. Une organisation au cordeau qui, sur un circuit urbain comme Monaco, peut représenter un véritable casse-tête pour la FIA.

Des équipes organisées en petits groupes

Au sein du paddock, les effectifs sont par ailleurs répartis en sous-groupes, « aussi petits que possible », précise Bruno Famin. Concrètement, les membres d’un même sous-groupe ne se quittent pas durant toute la durée du Grand Prix. Ils travaillent, séjournent et mangent ensemble, se déplacent dans la même voiture… et ne doivent en aucun cas se greffer à un autre sous-groupe. L’objectif étant bien sûr de limiter les risques de propagation du virus mais aussi — et surtout — de limiter l’impact opérationnel en cas de positivité de l’un des membres du sous-groupe. Grâce à cette organisation, les équipes peuvent en effet faire face à l’absence d’un ou plusieurs éléments pour cause de Covid sans que cela n’entrave leur travail. « L’année dernière, en début de saison, des équipes de F1 n’avaient pas compris complètement le concept et elles avaient des sous-groupes de dix personnes, soit une équipe de mécanos complète. S’il y en a un qui était positif, les neuf autres étaient isolés, se souvient Bruno Famin. Depuis, ils se sont donc organisés en sous-groupes plus petits. L’une des clés de voûte du système, c’est évidemment d’empêcher des contaminations, mais c’est aussi et surtout d’être capable de gérer les éventuels cas positifs en limitant l’impact opérationnel », insiste le membre de la FIA.

Contacts limités avec le public

Du côté des pilotes, la FIA a décidé de jouer la carte de la responsabilisation. Un choix qui peut s’avérer risqué alors que la pandémie continue sa progression mais la fédération l’assume. « C’est à chaque pilote d’être aussi respectueux que possible du protocole. Et le protocole dit qu’il faut limiter les interactions », rappelle Bruno Famin. « C’est dommage pour les fans mais moins on croise de personnes, plus on limite les risques de contamination. Il faut de la rigueur ». Par conséquent, la FIA a interdit jusqu’à nouvel ordre les séances d’autographes, les selfies ou encore les célèbres « pit lane walk », c’est-à-dire ses visites des stands que les fans s’arrachent lors des Grands Prix. « Les pilotes ont appris à connaître les impacts du virus, sa dangerosité et ils sont maintenant extrêmement prudents », assure Bruno Famin, qui n’oublie pas la frasque du pilote monégasque Charles Leclerc en début de saison dernière. « On avait repris Charles Leclerc à l’issue du premier Grand Prix en 2020. On avait demandé à tout le monde de rester, autant que possible, en Autriche entre les deux GP d’Autriche. Mais Charles avait posté une photo sur les réseaux sociaux, où on le voyait en train de faire la fête avec ses copains bras dessus, bras dessous ». En enfreignant ainsi les règles édictées par la FIA, le Monégasque avait eu droit à un simple rappel à l’ordre. « Mais c’est quelque chose que ne font plus les pilotes, affirme Bruno Famin. Il y a une vraie prise de conscience et ils savent très bien qu’ils peuvent être amenés à louper un Grand Prix, à être malades… Les pilotes font attention, ils sont prudents. Et je compte sur leur sens des responsabilités pour respecter le protocole autant que possible ».

« Il n’y a pas d’adaptation de notre réglementation pour Monaco. En revanche, sa mise en œuvre pose un certain nombre de problèmes spécifiques du fait d’avoir un circuit en ville sur un territoire exigu » Bruno Famin. Directeur des opérations et responsable des protocoles anti-Covid de la FIA

23 Grands Prix au programme en 2021

Son appel semble entendu puisque depuis la reprise de la F1 en juillet 2020, seulement six pilotes dont Charles Leclerc ont été touchés par le coronavirus. Sans que cela ne remette en cause la tenue d’un Grand Prix. « La réglementation dit qu’il faut douze pilotes minimum sur la grille pour qu’un GP ait lieu. Je pense que toutes les équipes sont organisées pour faire face à une éventuelle défaillance avec des pilotes de réserve. Il y a eu trois cas positifs l’année dernière mais il n’a jamais manqué une voiture sur la grille, constate avec satisfaction Bruno Famin. Aujourd’hui, il n’y a aucune raison d’envisager une annulation de Grand Prix à cause de ça ». D’ailleurs, ne voyez pas dans le calendrier 2021 record de la FIA — 23 courses au programme — un quelconque calcul pour anticiper d’éventuelles annulations ou reports. « Le calendrier, c’est la FOM qui le fait. L’optique, c’est clairement de faire les 23 dates et les 23 événements. C’est une ambition de déploiement, ce n’est pas du tout une stratégie de dire : « On en prévoit 23 en espérant en faire 17 » », confirme Bruno Famin.

Des spécificités à Monaco

Le Grand Prix de Monaco devrait donc bien avoir lieu du 20 au 23 mai prochain. Et comme à chaque course, le « code de conduite Covid-19 » sera scrupuleusement suivi. Mais en principauté, circuit urbain oblige, sa mise en œuvre sera légèrement revue comme l’explique Bruno Famin : « Il n’y a pas d’adaptation de notre réglementation pour Monaco. En revanche, sa mise en œuvre pose un certain nombre de problèmes spécifiques du fait d’avoir un circuit en ville sur un territoire exigu ». La forte densité de population pourrait en effet représenter une menace pour les bulles sanitaires. « C’est plus difficile, admet Bruno Famin, mais nous n’avons pas non plus le droit de police. Ce n’est pas de la responsabilité de la FIA » poursuit-il. « Nous recommandons très fortement à l’ensemble des participants de limiter leurs déplacements et leurs contacts au maximum. Et on recommande très fortement aux personnes de faire simplement le trajet hôtel-circuit, circuit-hôtel ». Là encore, la FIA compte sur la responsabilité de chacune et chacun : « Nous n’avons pas de pouvoir répressif, nous ne nous substituons pas aux autorités. Nous ne pouvons que hautement recommander ». Une obligation figure toutefois dans le code de conduite Covid-19 établi par les instances dirigeantes, à savoir l’interdiction formelle de contact entre un éventuel public et les membres de la bulle F1. Les fans devront donc encore patienter au moins un an avant de pouvoir à nouveau approcher leurs idoles.

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